ITAR

Itar : Fatima Chafaa, artiste plasticienne

Chafaa

Qui êtes-vous ? Comment décrivez-vous votre art ?

Je suis Fatima Chafaa, née à Ain Benain, ville où j’habite et je travaille. Je suis artiste plasticienne, diplômée de l’école supérieure des beaux-arts d’Alger.

J’ai commencé à m’intéresser à l’image très jeune grâce à mes oncles Chafaa Bachir qui était photographe et Chafaa Mouloud qui travaillait au cinéma Soummam de Ain Benian.

Mon travail est souvent un mélange de photos et d’installations qui dépend fréquemment du projet qui fait que tel ou tel médium devient évident,  lié à l’espace, ce même projet porte sur des thèmes d’actualité mettant en évidence le rapport au temps, l’oubli et à tout ce qui est insaisissable.

J’aime que mon art soit puissant, et ne laisse pas l’observateur indifférent. Pour moi, une œuvre n’est efficace que si elle provoque des sentiments, des réactions, des débats… Je prête autant d’attention aux réactions qu’elles soient positives que négatives. Celles-ci font partie intégrante de mon projet. Elles sont très vives et m’apprennent que mon art est controversé.

Dans quelle atmosphère créative êtes-vous le plus à l’aise ?

Chafaa

Je me sens bien dans un entourage calme et chaleureux ou le respect et la confiance sont indispensables pour ma création, j’aime beaucoup les petites choses simples qui évoquent des présences. En outre, les relations sociales qu’elles soient amicales, familiales ou professionnelles tiennent une grand place dans ma vie, le contact, l’écoute de l’autre, sont des atouts essentiels. Je prends toujours du recul lorsqu’il le faut et l’isolement devient parfois indispensable.  Actuellement, Ain Benian ma ville natale m’inspire beaucoup. Cette ville  ou mes racines sont implantées.  Tout à Ain Benian m’inspire son histoire, les vagues de la mer, l’ancien village, les nouveaux quartiers, les dunes…le cimetière ou mes parents, mes grands-parents, mes oncles, mes tantes sont enterrés…

Chafaa

Que pensez-vous du paysage artistique et culturel algérien ?

En 10 ans d’expérience j’ai eu la chance de  travailler avec beaucoup d’artistes que j’ai eu la chance de rencontrer lors des expositions, résidences ou workshops,… les artistes Algériens s’investissent au maximum dans leur domaine avec si peu de moyens, ils parviennent à faire des créations sans limites. Mais l’état ne s’investit pas assez dans le domaine culturel et artistique. En ce qui me concerne, j’aurai bien aimé être une artiste professionnelle et vivre de mes créations artistiques. Mais pour subvenir à mes besoins personnels et à ceux de ma famille d’une manière décente je dois travailler à plein temps comme professeur d’art plastique, c’est une profession qui requiert beaucoup de patience et de dévouement personnel et qui par ailleurs me laisse peu de temps pour imaginer, penser et innover.

Si vous pouviez en changer une chose, ce serait laquelle ?

Faire en sorte que pour quelques temps, les rôles soient inversés, l’homme prend la place de la femme et la femme la place de l’homme, physiquement et psychologiquement, ainsi ils pourront mieux se comprendre.

Ce faisant, l’homme prendra conscience que sa moitié travaille plus que lui pour avoir sa place dans cette société.

Présentez-nous une de vos œuvres ?

Chafaa

« Ligne rouge » une installation présente à l’exposition Picturie 3 au marché volta, Alger 2016

Mon installation s’inspire de La cote de la madrague qui était autrefois, un endroit féerique avec un beau paysage et des plages magnifiques. On pouvait se promener sur le sable de ses plages et faire des randonnées à partir de son port jusqu’aux plages de club des pins.

Malheureusement, la cote est devenue un site de non loi avec l’absence totale de l’état. Des murs de clôture érigés sur les plages ont complètement défiguré le bord de mer, le charme visuel et le profil côtier a disparu à jamais pour ceux qui l’auraient jadis connu.

Aujourd’hui, ce n’est plus un paysage de douceur et de beauté, mais une succession de murs de pierres dressés jusqu’au rivage à l’instar du Mur #1 entre la plage El Bahia et la nouvelle résidence d’état les dunes, Mur #2 érigé par l’école supérieure d’hôtellerie et de restauration, freiné dans sa construction grâce aux interventions des pécheurs et aux comités des quartiers. Mur #3 la plage Fontaine reliant le port de la madrague ou des villas appartenant les plus souvent aux nouveaux riches, ont été érigées barrant tout accès. Ceci témoigne du désintéressement total de la gestion du patrimoine public par les structures de l’état, censé appliquer la loi, protéger l’environnement et assurer le bien-être de la population. Malgré les dénonciations des associations et les comités de quartier, ce problème perdure jusqu’à  ce jour.

 

Leave a Comment